La septième

Dans l’espace de nos déconvenues
Suis la septième dimension
Celle des plaies qui ne guérissent pas
Encore quelques pas
Je suis là qui t’attendais
Veilleur de nuit noire
Où ne brillent que les douleurs.

Dans le temps j’ai déjà vu
Des morts sans plus de passion
Appeler ceux qui ne répondent pas
Qu’on ne nomme pas
Les absents à jamais
Appeler sans y croire
En gargouillant entre les pleurs.

Dans cette septième avenue
Cet espace sans expression
Dans les miens mets tes pas
Ne t’arrêtes pas
Je sais que tu te perdrais
Dans ce purgatoire
Qui sera l’enfer de ton cœur.

Fréquences

Je vis comme un océan
Soumis aux harmoniques
À la galère qui balance
Grince au gré des basses fréquences
Marées que la lune impose à mon l’âme
Longtemps me tirant vers l’avant
Puis à la gravité m’abandonnant

Je vis comme un océan
Qui agite et entrechoque
Les galets et les coques cassés
Qui cisaille à haute fréquence
À coups de vagues à l’âme
Le pleurer et le rire
Tsunami d’un instant

Je vis comme un océan
L’eau se creuse
Se résorbe
Cicatrise en écumant
Et asperge le passant
Pour lui dire en riant
Je suis vivant.

Suivant le temps

Suivant le temps
Tic toc indécent
Des gifles
Des baffes
Et puis ça passe
Parfois lasse
Souvent menace
Suivant le temps
Tempo glaçant
Indifférent
Je souffle
M’essouffle
Mes yeux pleurent
Moi qui sait ?
Suivant le temps
Courant pauvre fou
La mèche décousue
Le front luisant
La mèche trop courte
Allumée trop tôt
Et je cours
Sourd à la vie
Derrière ce chacal rapiécé de partout
Ce chien dieu des galopins
Ce chien tant battu qui nous fuit
Mais le laisser filer
Me distancer
C’est la solitude assurée
La tombe de mon vivant
Alors je cours
Je cours
Je frappe
Je tasse
Le sol indifférent
Sans rien voir de la masse
De ceux qui courent
Poursuivant le temps
Mes frères en larmes
Nous réfléchirons plus tard.

Le caractère ponctuel de la menace

Je t’envoie ce coup de semonce
Ma colère dans sa coquille
Mes poings crispés serrés
Dans mes poches verrouillées
C’est la semence de ma violence
La frappe retenue
Le cri qui tue encore tu
Je t’envoie cet avertissement
Si tu voyais mes entrailles
Le sac les nœuds la pagaille
Si tu savais vraiment
Ma promesse de tourments
Peut-être te questionnerais-tu
Sur le caractère ponctuel de la menace ?

Jouer

Jouer avec le feu, la gâchette, six coups,
Et peut-être rater encore la cible,
Faute d’avoir frappé sans trembler le cou,
Ce piédestal, la mèche si sensible
Qui soutient ma tête, mon combustible.

Jouer avec le vide, ce bel abîme,
Les pieds fondus sur la prise de coke,
Le rocher blanc du calcaire sublime,
Montagne où mes désirs profonds s’entrechoquent.
Là, le vertige, ronde endiablée des rocs.

Jouer sans cesse sur ma basse ce mantra,
Cet écho lointain si proche de la mort,
Regarde, la vie est belle et patatra !
Un jet de dés, la vie s’en va sur cet accord,
Ce cri : ne plus jouer c’est être déjà mort.

Je suis dérangé

Je suis dérangé
La pluie m’oublie mais me mouille en pissant
L’orage me secoue en jouant à dieu
À Jupiter en tonnerre échappé du couvent.

Je suis dérangé
La Grande Ourse me mord le fondement
J’avais vendu sa peau à Vénus
Pour habiller son corps de soufre en diamant.

Je suis dérangé
Le chaos s’acharne et me berce en buvant
Ce rhum vieux cette barrique
Le sang versé de la terre et des gens.

Je suis dérangé
Bonnes gens bonnes familles petits enfants
Fuyez mes feux mes rires et mes caprices
La bourrasque échevelée qui passe en pleurant.

La fournaise

Dans mes tympans assourdis de pantin desséché
Les cigales grincent et grondent
Compteur Geiger affolé
Aiguille écarlate ébréchée
Tordue
Capteur sensible submergé
Par les rayons de la roue qui tourne
Tourne encore
Tourne toujours
Avec l’inertie du marbre noir
L’inexorable volonté du broyeur de déchets

Et bientôt
Planté en moi-même comme un serpent se mord la queue
La tête en bas rougie de mon sang
Dernier recours de la braise quand l’arbre a trop brûlé

Et bientôt
Dans la fumée les jambes en l’air
Je verrai le monde s’éteindre aussi
Avec la dignité d’un pantin à l’envers.

La fin des temps perdus

Vous gardez le silence
Le troupeau sans transhumance
Des mots
Que le loup souvent
Noie dans le sang et les songes déments.

Vous gardez le silence
Vos figures sont des oubliettes
Vos lèvres murées des meurtrières muettes
Et vos flèches percent
Déchirent en dedans les derniers survivants.

Vous gardez le silence
Et c’est la mort qui danse
Le cœur qui s’éteint au rythme lent
Effrayant
De la fin des temps perdus.

La boîte à musique

On l’égorge le cri.
Vois la vibration qui meure.
Qui bougera le doigt et fermera le poing ?
Qui songera aux mélodies qui s’éteignent ?
On l’égorge le braillard
Dans le brouillard qui brûle les gorges.
On l’égorge
Le gêneur dans l’engrenage,
Grain de sable de nos banquets,
Nos assemblées générales barbelées.
On l’égorge,
Il n’a pas l’invitation
Et son sang sur le bitume sera lavé,
Oublié,
Dans le brouillard des jets haute-pression.

Ne jamais relâcher la pression.

Naufrage

Sans prétexte et sans doute
Sans raison même vacillante
Le bois sec de la branche
Le bois bois sec est cassant
J’en oublie vos gueules
Le bois sec dans ma main
Prothèse fantôme
Fantasme incendiaire
Le bois sec ça brûle bien
Il est peut-être venu
Le temps des veillées sans nom
Des veillées sans nombre
Et d’éveiller les ombres
Sous les flambeaux sans main
J’entends le cri des dents
Et le désert brûler
Et le désert tonner
Dernier vieux loup :
Les morts et les morts d’abord !