Live – 003

Les yeux troués des statues ne focalisent plus et c’est tant mieux pour elles. Pour leur éviter le tournis, l’indigestion due à nos trajectoires rectilignes  qui s’entrecroisent mais ne se croisent que rarement, qui s’entrechoquent parfois, mais froidement, sans l’étincelle qui pourrait allumer le feu, qui s’emmêlent alors que nos poings restent serrés sur nos doigts blanchis. Les yeux troués des statues me faisait de la peine avant. Maintenant aussi, mais je pense que c’est préférable, du point de vue de l’accidentologie, à des petits tas de vomi de bronze ou de marbre sur nos trottoirs hallucinés.

Live – 001

Sans les couleurs du soir nos oripeaux seraient bien lourds. Bleu lacté  et jaune orangé, une médaille, en chocolat, pour une journée de plus, une journée de moins. Dans quelle direction faut-il regarder ? Vers la lumière qui était ou la nuit qui vient ? Peut-être simplement regarder plus loin, regarder au-dessus. Se regarder du dessus. Dos noué, crampes de tension, grimaces devenues expressions. Le rôle est bien lourd et le metteur en scène aux abonnés absents. On se sent improviser. Dans le cadre. Apprivoisé. 

Équarrissage

20 septembre 2016

Un corps tout nu. Un corps mort. Tu l’as trouvé sous les fourrés. Tu es resté là, à pleurer. Ce sont les voisins qui m’ont alerté avec leur humanité fraternelle et traditionnelle :  « Si vous ne faites pas taire votre chien, vous allez le retrouver cloué à la porte du garage ! Jésus qu’on l’appellera ! ». Amen.
Je suis sorti. Je t’ai cherché. Je t’ai trouvé. Je l’ai trouvé aussi. Mort. Éventré. Jean-Henri. Le chien du boucher.

{Hommage non dissimulé à "la petite taupe qui voulait savoir...", éditions Milan}

Les rictus et les chasubles

2 septembre 2016

Un jour, il est parti. La guerre n’était pas encore arrivée mais on entendait déjà les insultes et la haine, on voyait déjà les rictus et les chasubles de ce mortel championnat. Alors, quoi de plus naturel que de partir, avant que les singes n’envahissent le terrain ? Il n’est certainement pas allé bien loin : les mines étaient déjà en place. « Pas de jambes, pas de Lambada » disait-il.

Je suis resté. A quoi bon rester, d’ailleurs ? Les dés sont pipés, la loterie si bancale. Qu’y a-t-il à espérer ? Survivre, peut-être, il faut bien que les machines tournent et que le fouet claque. Vivre, en revanche, est un luxe inaccessible, une vitrine cadenassée pleine d’objets numérotés et de vin millésimés. Vivre serait la Revanche.