La membrane

Peut-être est-ce par osmose
La violence qui s’égrène
Germe au printemps
Les grenades et les poings
La misère et la faim
Comme un virus
Un germe artificiel
Plaqué partout
Dans les gueules assoiffées
Un couvercle d’acier
Sur les cris étouffés
Le désir étranglé
Qui n’a plus que ses bras
Épouvantail
Quand le bâillon éteint son chant.

Sur le muret

Quelles sont ces bouteilles
Vides
Que le vent fait jouer
En ré mineur ou que sais-je ?
Quelles sont ces bouteilles
Étranglées
Exsangues
Sans substance ni éthanol ?
Juste un pli dans l’oreiller
Le rêveur est parti
L’âme est volatile
Vaporeuse
Un dessous chic
Reniflé par le diable
Sitôt sniffé sitôt soufflé
Et la résille gitane s’envole
Ne laissant que le verre
Vide
Verdâtre
Et cassant.

Le dérapage

D’où viendra la faute
Le coup brusque
La rupture d’adhérence
À l’asphalte noire et tiède
Goudron qui coule de nos espoirs éteints ?
Quand la dernière sortie
Définitive
De la voie tracée comme un tunnel ?
Le pilote automatique
Capteurs
Processeurs
Intelligence embarquée à fond de cale
Sous les lingots de l’ambition
Et la profusion de l’ego
Le pilote ne verra que le mur
Trop tard
S’effondrer
Enfin.

L’échappé

Je suis un échappé
Libre
Mais toujours rattrapé
Par les nerfs en pelote
Des flagrances digitales
Désolantes.
Je suis un échappé
Ivre
Rempli des menaces
Des peurs de synthèse
Deux fois binaires
C’est trop.

Pédagogie !

Arrête de te plaindre
Viens finir ton plat
Tes os
Ronge ta main gauche
Il reste encore un doigt !

Arrête de te plaindre
Admire la prothèse
Moderne
Nous te la vendrons
Si tu as des sous !

Tous ici ne s’associent pas

Celui-ci s’agite
Penche en tremblant
Haute fréquence chahutée par les bogies
Hyperventilation chronique
Trois heures durant
Vers quelle apnée va-t-il ?
Quelle syncope programmée ?
Son voisin ronfle et bave
Indifférent à la condamnation
La noyade qui se joue
Dans cet ici à grande vitesse
Ce trait de lumière
Entre Paris et Montpellier.

Le bourgeon de la colère

Le poing
Sorti du tronc
Un bout de lune blanche
Dans le creux de la paume
Le poing
Bourgeon de la colère
Fermé sur son amour
Les pleurs qui suintent
Le poing s’envole
Fléau d’armes qui danse
Danse fracasse
Met la danse aux menaces
Aux verrous tenaces
Aux rapaces
Le poing libère
Laboure la place
Pour la naissance au soleil
Des couleurs inconnues.

Derrière la palissade

Il y a des grues, des camions, des casques et des bottes. Il y a du bruit, des coups portés à un métal inconnu. J’entends des cris aussi. Un outil qui manque à l’appel ? Pour le moment, seul un étage de béton brut émerge des palissades. Bientôt, si j’en crois le grand panneau promotionnel, des enfants joueront sous de grands arbres pendant que leur maman, sur une terrasse, profitera d’un soleil printanier. Bientôt, ici, des vies éliront domicile et les ouvriers partiront construire d’autres nids, à coups de grues et de camions, les bottes dans la boue et le casque sur la tête.