Le géomètre n’a pas d’idée

Tu voudrais
Ou pas
En arrière
En avant
En même temps
Calculs savants
Cherche ! Cherche !
Le barycentre
La synthèse.

On pourrait croire
Ou pas
À ta neutre bonne volonté
Ton équilibre crispé
Aiguisé
Sur le fil tranchant de l’opinion.

On pourrait croire à tout ça
Mais on n’y croit pas
Quand tu veux juste être le pivot
Le point de rotation
Autour duquel tout s’organise
Tout se résout
Tout s’absout
A portée de ta main.

Toujours au centre
Où qu’il soit.




Rupture

Qui a besoin de rupture
Du béton brisé
Broyé ?
Qui a besoin de trancher
Dans la chair de nos mots
Pour chercher le souffle du cœur
Le vent des rires et des pleurs ?
Qui a besoin de rupture et de grands espaces ?
Celui qui aime jusqu’à la perte.

Ce matin (comment dire ?)

Ce matin comment dire ?
La paupière dansante
Au tempo glaciaire
D’un bloc erratique.

Ce matin comment ?
Bien mûr
Sur la mauvaise pente déjà
Et la gravité trébuche avec moi.

Ce matin ?
Je suis vivant
Enfin j’espère
Sinon l’enfer est vraiment pavé de bonnes intentions.

Le cas échéant

Parmi mille accidents
Chutes rechutes destin roublard
Les pieds piégés dans mes racines
Ma tête dure dans la charpente
Parmi mille
Et les étoiles dans ma case
Ma sarabande dessinée
Par miracle
La loi des grands nombres
Devant mon nez
Une fleur de rencontre à soigner
Un bonheur à donner
Le cas échéant.

Ce matin ( la rosée )

Ce matin la rosée
Sur la pointe des pieds s’est posée
Sur la pointe de la feuille esseulée
Celle qui n’est pas tombée
Dans l’oubli terreux de l’année.

Ce matin là
J’ai vu la détresse et l’éclat
Senti que nous étions là
Malgré tous nos Eurêka
Sur notre feuille en mauvais état.

Ce matin
C’est bientôt la fin
De la goutte c’est certain
Mais la feuille à peut-être pour destin
De repousser l’an prochain ?

Ce matin ( c’est la guerre )

Ce matin c’est la guerre
Les rivières ont cessé
Les lits sont vides
Muets et sales
Flaques en sursis
La boue de nos vies ne coule plus
La boue est grasse et laquée
Fondue de canard noyé
Bouillon aux yeux de boeuf lassé
L’eau s’évapore
Les sédiments s’installent
Durcissent
Sans rien à mouler
Nulle empreinte décisive
Sauf parfois les griffes d’un corbeau
Plumes noires qui déchirent le testament
Ancien nouveau quelle importance ?

Ce matin c’est
Je n’y crois plus
À tant gratter le bitume
Ronger le béton
Mes incisives ne le sont plus
À chercher la route sous la route
Mes ongles ont cessé aussi
Mes doigts mon dos
Le reste n’en parlons pas
La rouille a sa revanche
Est-ce la fin de l’histoire ?

Ce matin
Suer est un plaisir oublié
La carcasse est sèche
Figée raide cassante
Seule luit
Au fond des orbites
L’étincelle des silex frappés autrefois.

Tranquille

Vivre tranquillement
Ô le beau projet de calcaire et de craie
Beaucoup de calme et d’introspection
De rangement des sédiments
Tout est en ordre
Strates de zèbre bien peigné
Et rassembler ses forces pour le bouquet final
Flammes de pierre et granit rouge
L’explosion saturée des guitares
L’éboulement des basses
Et les pendus au bout des cordes
Tranquilles.