Sylvestre

Qui va mourir aujourd’hui ?

Dans son lit,
Dans la rue
ou en Syrie ?

Entouré,
Isolé
Ou bombardé ?

Qui va mourir aujourd’hui
Ne verra pas l’année,
L’incrément ironique
Du compte-à-rebours.

Qui va mourir aujourd’hui
Et a vraiment passé
Une très bonne année ?

Mitraille

Tout va trop vite,
En besogne,
En rogne,
En cogne.
Les essaims me frôlent,
Insaisissables,
M’attisent,
Me déboulonnent.
Je penche à Pise,
Et me noie à Venise.
La lagune est verte,
Les canaux lacrymaux,
Remplis de charognes obscènes
Et d’amours mortes décomposées.
Ça sent la fin,
La fin des choses,
La fin des gens,
La fin des mots.
Besogne ! Rogne ! Cogne !

Sens unique

C’est la théorie,
Le jeu des concepts moqueurs
Et des miroirs déformants.
C’est la théorie qui chante
Pour imposer ses notes.
C’est la théorie qui brille
Et nous aveugle en hurlant.
Là-haut, sur son trône,
Son cul gras nous cache
Son assise honteuse,
Ses axiomes rongés
Par les vers de l’envie.

Émoussé

Je n’irai pas voir,
La ligne est trop droite,
La baïonnette trop pointue.
Je n’irai pas,
À un jet de balle,
Cueillir les morts,
Compter les corps.

Je n’y crois plus,
Je sais, c’est mal,
Tellement banal,
Je n’ai plus de larmes,
Plus rien ne m’alarme.

Et toi, qu’as-tu vu ?

Derrière la bâche

À travers la bâche,
Fripée,
Crevassée,
Ton sourire diffracté m’enchante.
Mais voilà que je m’inquiète :
Sans le prisme pétrolier,
Va-t-elle se dissiper,
La magie de l’imagerie ?
Va-t-elle dévoiler
Mon besoin d’imaginer ?